MERSCH, un centre de ralliement et de rayonnement

Mersch, l’opulent bourg au confluent de l’Eisch, de la Marner et de l’Alzette, qui forme le centre géographique du pays, est un lieu au passé richement historié. Situé dans une vallée hospitalière, au carrefour de routes dont certaines ont déjà existé à l’époque celtique, Mersch a été, dès l’origine, un centre de ralliement et de rayonnement.
A l’époque romaine Mersch est une station de poste importante dont le souvenir s’est conservé au lieu dit „Mies” où l’archéologie a découvert, il y a plus de soixante ans, les fondements d’une villa romaine avec hypocauste et où la pioche des fouilleurs vient de mettre à jour les vestiges impressionnants d’autres constructions. Le nom de „Mies” dérive du latin mansio et désigne précisément un hôtel, une station de poste. Mersch est aussi la résidence d’un officier général équestre, d’un flamen Leni Martis à la mémoire duquel est érigé un monument à la fois funéraire et honorifique dont des fragments et l’inscription sont conservés au musée de l’Etat. Les dimensions extraordinaires du monument prouvent que le flamine était un personnage de marque dont l’influence a dû être grande dans toute la région.
Au début du Ve siècle, la station militaire sur le plateau de la Mies est détruite par les barbares. Les Francs, éleveurs et agriculteurs, s’établissent à proximité des vastes prairies de la plaine arrosée par l’Eisch, la Marner et l’AIzette. A la villa romaine succède une villa rustique franque construite vraisemblablement sur la place même où s’élève le château actuel de Mersch.
Quand en l’an 963 le comte Sigefroi, par la construction du château fort Lucilinburhuc sur le rocher du Bock, donne un centre à ses nombreux domaines éparpillés à travers le pays et un nom à l’agglomération qui s’établit aux abords du manoir et fonde ainsi la ville de Luxembourg, Mersch existe déjà. Le nom de la localité apparaît pour la première fois dans l’histoire, en 853, où il figure dans deux actes de donation par lesquels la noble Erkanfride, veuve du comte Nithard, un descendant de Charlemagne, lègue ses biens situés à Marisch (Mersch) à I’abbaye St. Maximin de Trêves et à ses neuf neveux et nièces.
Marisch, Marisca, Merisch, Mersch ont la même racine mar, mer, et le nom indique à la fois les prairies humides, souvent inondées de la plaine où confluent l’Eisch, la Marner et l’AIzette et l’emplacement d’un village fondé là du temps des Mérovingiens ou des Carolingiens.
Au Xe siècle l’Abbaye de St. Maximin de Trêves et le comte Sigefroi sont les seigneurs de Mersch. La plus grande partie du domaine appartient à St. Maximin. Sigefroi est avoué de l’Abbaye, mais il possède, lui aussi, des terres, des prairies et des forêts dans la vallée de Mersch.
Pendant le moyen-âge, les seigneurs de Mersch sont des personnages influents qui exercent de hautes fonctions et l’histoire de Mersch reste mêlée à l’histoire nationale.
En 1237 Thierry de Mersch, le fondateur du prieuré de Marienthal, est échanson de la comtesse Ermesinde. Il devient en 1244 Justicier de la noblesse, c’est-à-dire le plus haut personnage du comté.
Au XlVe siècle, Gilles de Mersch est appelé à sceller la charte d’affranchissement des bourgeois de Larochette. Thierry de Mersch, son fils, devient aussi Justicier du Siège des Nobles. Jean, le fils de ce dernier, a le même honneur. Comme il meurt sans postérité, la terre de Mersch tombe, en 1429, dans l’héritage de ses filles, dont l’une a épousé un sire de Kerpen et une autre Jean de Brandenbourg.
Vers le milieu du XVIe siècle la seigneurie de Mersch passe à la maison de Larochette par le mariage d’Apollonie de Kerpen avec Paul de Larochette. Elle a dû faire partie de l’énorme héritage d’Apolline de Larochette, épouse de Godefroid d’Autel et mère du comte Jean-Frédéric d’Autel, gouverneur du Luxembourg.
Jean-Frédéric d’Autel est le plus illustre des seigneurs de Mersch. Grand homme de guerre, il est capitaine général du roi d’Espagne, gouverneur de la ville et de la forteresse de Luxembourg, Chevalier de la Toison d’or.
Jean-Frédéric d’Autel habite le château de Mersch, bâti au XVIIe siècle sur les ruines de l’ancienne habitation féodale. C’est un bâtiment de forme carrée. Les deux tourelles, aux côtés de la porte d’entrée, sont encore, en 1813, munies de canons. Le fronton du portail est décoré de l’écu de Jean-Frédéric d’Autel, supporté par deux aigles. Cet écu est orné du collier de la Toison d’or et accompagné de drapeaux, de canons et de tous les attributs du général d’artillerie. En 1707, Jean-Frédéric d’Autel fait ériger la tour baroque avec sa coupole bulbeuse qui s’élève encore aujourd’hui sur la place St. Michel. Elle est le clocher de l’ancienne église en style byzantin, démolie en 1851, et a été conservée grâce à la grande-duchesse Anna Palowna, sœur du tsar Nicolas 1er, reine-mère des Pays-Bas, mère de Guillaume III et du Prince Henri, à laquelle la tour rappelle sa lointaine patrie slave. Au-dessus de la porte d’entrée, le blason du comte d’Autel et une inscription évoquent le souvenir du plus célèbre des seigneurs de Mersch, qui a joué un rôle dans l’histoire nationale et dans l’histoire de l’Europe.
La prise de Luxembourg par les Français, en 1795, met fin au régime féodal. Au congrès de Vienne le Grand-Duché de Luxembourg est érigé. Mais il n’obtient son autonomie réelle qu’à partir de l’année 1839. Toutefois son indépendance est encore entravée par l’existence de la Confédération germanique et la présence d’une garnison prussienne à Luxembourg ainsi que par l’union personnelle avec la Hollande. C’est par le fameux traité de Londres du 11 mai 1867 que le Grand-Duché de Luxembourg devient un Etat indépendant, indivisible, inaliénable et perpétuellement neutre.
Un Merschois, l’éminent juriste et homme d’Etat L. J. Emmanuel Servais, est Plénipotentiaire au Congrès de Londres. Il y défend brillamment les intérêts du pays à une période critique et signe avec le baron de Tornaco le document du traité de Londres, qui est d’une portée décisive pour le peuple luxembourgeois.
Pendant toute sa carrière L. J. Emmanuel Servais est mêlé à la vie judiciaire et politique du pays. Il est, en 1840, Membre de la Commission instituée par le Grand-Duc pour élaborer un projet de Constitution. En 1848, il est conseiller à la Cour de Justice. En décembre 1867, il devient Président du Gouvernement et contribue efficacement à assurer la prospérité du pays, à établir son indépendance sur des bases toujours plus solides.
A l’occasion du Centenaire du traité de Londres, la ville de Mersch, pour honorer la mémoire de son grand fils, a fait apposer à sa maison natale une belle plaque commémorative en bronze.
Un autre Merschois, Nicolas Weiter, professeur, écrivain et poète, Membre du Gouvernement formé, en 1918, par Monsieur Emile Reuter, a lui aussi bien mérité de la patrie. A une période particulièrement critique Nicolas Welter se fait le défenseur de la dynastie, convaincu quelle est la meilleure sauvegarde internationale de notre indépendance. Les années dramatiques et terribles de la guerre de 1940 à 1945 ne tardent pas à lui donner raison.
Mais c’est surtout grâce à son œuvre littéraire que Nicolas Welter vit, bien qu’il soit mort déjà en juillet 1951.
Poète lyrique, il trouve des accents émouvants pour célébrer sa patrie et sa petite ville de Mersch. Dans son livre en prose: „Im Werden und Wachsen”, il raconte son enfance tout en se faisant le chantre des beautés de sa vallée natale.
En 1971, l’année du centenaire de la naissance de Nicolas Welter, Mersch se souviendra de son grand fils, écrivain et poète, ministre, chantre de la patrie, défenseur de son indépendance et de sa dynastie en l’honneur de laquelle il a composé l’hymne „Wilhelmus” qui est chanté à l’occasion de toutes nos fêtes patriotiques.
Ainsi, au cours des siècles, les différentes époques historiques de Mersch sont étroitement liées à celles de l’histoire nationale. Il en est de même pendant les années atroces de la dernière guerre où des Merschois luttent, souffrent et meurent pour que renaisse et vive la patrie occupée, violée, terrorisée par l’Allemagne nazie. Leurs gouttes de sang teignent le drapeau de la race, le drapeau de la nation. Pour perpétuer le souvenir de ses morts glorieux, la ville de Mersch érige, en 1951, un Monument devant la belle église décanale en style classiciste.
La localité de Mersch est le centre géographique du pays, oui, mais elle est bien davantage encore.
Mersch est un foyer de ralliement et de rayonnement. Tous les Merschois espèrent qu’il en sera de même dans les siècles à venir afin que le Monument national de l’Indépendance, qui couronne le Kro’ne bierg, démoli par les vandales nazis en 1940 et que la ville de Mersch a fait renaître de ses cendres en 1959, reste à jamais le symbole de la Liberté, le Monument sacré réédifié par les souffrances et le sang, autour duquel se rallieront les hommes de demain qui y puiseront la force et l’idéalisme pour servir, comme leurs ancêtres, vaillamment et fidèlement la patrie et sa maison souveraine.

Cécile RIES
dans la brochure « 47e Congrès National à Mersch
les 9 et 10 septembre 1967 »

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